L'Aigle et l'Escargot Bourgeois-Guillon (19è siècle)

S'il n'est pas de petite haine,
(On connaît les débats de l'aigle et l'escarbot)
Il n'est pas de petits bienfaits. Lorsque, sans peine,
Riches et grands, vous pouvez, d'un seul mot,
Vous faire aimer, bénir !... Dites-en par centaine.
Dans ses mains un jour un marmot
En tenait un. Eh mais ! il faut qu'ici je dise
Ce qu'il tenait : c'était un escargot ;
Gros limaçon, portant coquille pour chemise.
Depuis une heure au moins le petit polisson
Le tourmente et le tyrannise.
Il va l'écorcher vif en brisant sa maison,
Lassé de lui corner cette vieille bêtise
Que j'aime, quand j'en tiens, même à chanter encor.
L'insecte craignant pis, se démène, déploie
Ses cornes ; eût crié comme quand on se noyé,
S'il l'eût pu ; quand un aigle en l'air passe. L'essor
Épouvante l'enfant, l'enfant lâche sa proie.
Vous jugez avec quelle joie
Colimaçon retourne à ses amours !

Et que coûtait à l'aigle un si puissant secours ?
Quoiqu'avec les limas l'aigle ait peu d'habitude,
Colimaçon peut-être, quelques jours,
Lui pourra témoigner toute sa gratitude.

Livre I, Fable 9


Imité de La Fontaine

Commentaires