Ci-dessus nous venons de voir
Comme un matin, d'autres disent un soir,
A l'escargot l'aigle fut d'un grand aide.
Or, il faut l'avouer, ce fut sans le savoir ;
Il volait chercher un remède
Pour un de ses aiglons (bon sang ne peut mentir)
Qui déjà las de la couvée,
Impatient de parvenir
Jusqu'au plus haut de la voûte éthérée,
Ayant trop tôt fixé ses yeux sur le soleil,
Était en grand danger de perdre au moins un œil.
Ganymède, Jupin lui-même,
L'Olympe s'intéresse à cette guérison :
Rien n'y fait ; cataplasme ophtalmique, aposème,
Ni mainte consultation,
Esculape craint un œdème,
Et dis qu'il y perd son latin.
Quoi ! s'écriaient et l'aigle et Ganymède,
Nous ne pouvons espérer rien,
On ne trouve pas de remède.
Quoi ! dans l'Olympe un mal est sans espoir ! Au fond
De sa luisante solitude
La nouvelle en parvient à notre limaçon.
Aux élans de sa gratitude
Cédant soudain, il part : plus, outrera maison,
II prend avec lui de ses pères
Les ossemens, coquilles si l'on veut ;
Tant bien que mal, rampant le plus vile qu'il peut,
II arrive aux célestes aires
Où les aigles tiennent leurs cours.
Messeigneurs, leur dit-il, j'accours
Vous payer le tribut de ma reconnaissance.
Certes, petite est ma science,
Mais dans un vieux lexique un jour j'ai lu
Que de nos os la cendre avec le miel mêlée
Devenait une panacée
Pour tout mal d'yeux, et je m'en suis pourvu.
Je ne sais si d'une cabale
Il n'eut pas à souffrir ; mais voici ma morale :
Un bienfait n'est jamais perdu.