Le Pinson, la Fauvette et l'Aigle Joseph Barthélemy de Feraudy (1762 - 1831)

Par certain écolier un pinson fut blessé ;
Celui-ci, sous le poids de son mal affaissé,
Était prêt à mourir de sa douleur cruelle.
Une fauvette passe ; elle a pitié de lui,
Donne à l'infortuné des preuves de son zèle,
Lui prodigue ses soins, et devient son appui ;
Si bien que notre oiseau guérit de sa blessure.
À la bonne fauvette il devait cette cure ;
Envers sa bienfaitrice il fut reconnaissant ;
Et pour lui témoigner tout son attachement,
Il voulut désormais demeurer avec elle.
Celle-ci fut dès-lors sa compagne fidèle.
L'un et l'autre vivaient dans un bonheur égal ;
Mais, hélas ! il n'est rien de stable dans la vie :
A ce couple la mort, portant un coup fatal,
Enleva le pinson à la plus tendre amie.
Ce funeste trépas fut le comble des maux ;
La pauvrette remplit les airs de ses sanglots.
Pinson avait légué son nid à la fauvette ;
En proie à son chagrin, consternée et muette,
Elle voit arriver un essaim de pinsons,
Qui venaient, tout joyeux, réclamer l'héritage ;
Ils veulent l'expulser, et, pour bonnes raisons,
La forcer à pleurer ailleurs sur son veuvage.
Les méchants, sans égard à sa vive douleur,
Par de vils procédés aggravent son malheur.
Ils ont, le croira-t-on, même la perfidie,
Contre elle d'employer la noire calomnie ;
Enfin, les drôles font tout ce qu'en pareil cas
Souvent on a vu faire aux hommes ici bas ;
Comme eux, de la chicane invoquant le grimoire,
Ils osent du défunt profaner la mémoire.
De leur conduite outre, soudain du haut des cieux,
Vers eux descend l'oiseau du souverain des dieux.
Ce qu'a fait le pinson, leur dit-il, est fort sage,
Et je viens réprimer votre injuste langage.
Mettez fin, je l'ordonne, à ces cris impuissants.
La récompense est due à qui nous fut utile.
Cœurs secs, dont l'intérêt est l'unique mobile,
Sachez nos amis sont nos plus chers parents.
A pareil contre-temps ils ne s'attendaient guère ;
De l'aigle les pinsons craignirent la colère,
Et l'on vit sur le champ décamper à ces mots,
La dans le cœur, rage tous nos collatéraux.

Livre I, fable 23




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