Zéphir, encor baigné des larmes de l'aurore,
Saluait la nature, et, de son vol léger,
Annonçait les beaux jours, partout faisait éclore
Les boutons des prairies, des bois, et du verger.
Dans un sombre bosquet, sur sa tige élancée.
Une rose a frappé ses regards attendris ;
D'une douce rougeur elle était animée,
Plus belle, s'il se peut, que se ? boutons fleuris.
Le même sentiment, zéphir, est ton partage :
Tu n'oses t'exprimer ; mais bientôt tés soupirs
Dévoilent ton secret que redit le bocage,
Heureux de posséder l'objet de tes désirs.
La rose t'a compris, même amour vous entraîne ;
Un regard a suffi, c'est le premier bonheur ;'.
Un tendre sentiment vous unit, vous enchaîne ;
Nœud charmant, tu naquis dans le sein d'une fleur !.
Zéphir a déployé ses transparentes ailes, "
La nature, en tous lieux réclame son secours :
Songe ami, dit là rose, aux amants infidèles ;
Reviens sous ce bosquet, berceau de nos amours.
Sois constant au rosier que ton souffle balance,
Le midi va bientôt décolorer mon front ;
Mais chaque aurore aussi te donne l'espérance,
Que la rose qui meurt, renaît dans son bouton.
Un doux frémissement de la feuille légère,
Un soupir expirant, le silence des bois,
Tout indique à la rose, en ce lieu solitaire,
Qu'elle a vu son ami pour la dernière fois !
A peine est-il parti qu'un narcisse au teint blême,
Jaloux des doux adieux, du plus tendre lien,
Ignorant le bonheur d'être aimé quand on aime,
Veut détruire un amour qui condamne le sien.
Rose aimable, dit-il, trop confiante amie,
Témoin de tes soupirs, témoin de ton erreur,
Que ma mourante voix, par lés amours flétrie,
Déchire le bandeau qui te cache un trompeur.
Tu connais peu l'amant qui t'abuse et t'enflamme ;
Il est perfide, ingrat, séducteur et léger ;
En sortant de ton sein, qu'embellit une larme,
Sur les plus belles fleurs je l'ai vu voltiger,
Je l'ai vu dans les bois près de la violette ;
Dans les prés, les vallons, cherchant les moindres' fleurs ;
Sur la cime dès monts aller conter fleurette,
A chaque planté enfin prodiguer ses faveurs,
Puis-je rester muet quand,' ce matin encore*,
Parjure à ses serments, je l'ai vu près de foi,
Sur ce sein séduisant que la pudeur colore,
Prendre un baiser, part et manquer à sa foi !...
A ces mots il se tait, cherchant d'un œil avide,
Son portrait réfléchi dans le cristal des eaux.
Il le voit, lui sourit, mais là source se ride,
Une feuille tombée à causé sous ses maux.
Ami, console-loi, dit aussitôt la rose,
Ton ombre reviendra fidèle â ses amours,
La feuille, innocemment, dé ta douleur est cause ;
Mais, toi, la calomnie à dicté ton discours.
Je sais que le zéphir rafraîchit la nature,
Qu'il unit lès rameaux, fait éclôre un bouton ;
Qu'il tapisse nos bois d'un rideau de verdure,
Qu'il émaille de fleurs le modeste gazon.
Toujours nouveaux bienfaits annoncent sa présence,
Il court dé fleurs en fleurs accomplir son destin ;
Mais à tout son amour rose à la préférence ;
N'est-ce pas sa fraîcheur qui règne dans mon sein ?
Reviens, aimable ami, ta présence divine,
Pour mon cœur, tu le sais, n'a plus besoin d'aveu ;
Le rosier, pour zéphir, n'aura jamais d'épine :
Je m'effeuille, fidèle... adieu zéphir, adieu !...
Félicité d'amour vient de la confiance ;
Malheur à qui détruit un bien si précieux ;
Quand il aurait pour lui preuves à l'évidence,
Il doit laisser l'erreur qui fascine les yeux.
Amis, amants, époux, en cueillant une rose,
Pensez à sort amour si pur, si confiant ;
Aux perfides rapports tenez l'oreille close ;
Médisance, toujours, décèle un cœur méchant.