Le vieux sonneur et son voisin Auguste-Alexandre Simon (1791 - 18**)

Dis-moi, mon vieux sonneur, la cause,
Que pour la moindre chose
On sonne à briser le tympan,
A tuer un convalescent
Qui croit entendre, hélas ! sonner sa dernière heure,
Quand les cloches d'un mort ébranlent sa demeure,
Le réveillent eu sursaut dans son premier sommeil,
Et troublent son repos bien avant son réveil ?
— Voisin, de tout ce tintamarre,
En quelques mots voici l'histoire.
Les cloches, autrefois,
Sonnaient également, pour pauvres, riches et rois ;
Puis vint la vanité, son luxe, ses grimaces,
Qui firent inventer pour les cloches trois classes.
Une fois ce mode adopté,
De leur bruit agaçant on fut épouvanté..
L'amour de l'or rend égoïste,
Convenons-en, c'est triste.
Tout subit le tarif, sans pitié pour autrui,
Les joies, les voeux, les pleurs, jusqu'aux moindres prières,
Les larmes du trépas, déchirantes, amères,
Tout se paye aujourd'hui.
Avant do mettre en branle, une, deux, ou trois cloches,
On a le plus grand soin de fouiller dans vos poches.
Et par honneur, le pauvre honteux,
Au lieu d'en payer une, hélas ! en paye deux.
De tout cet infernal tapage,
Qui trouble ton repos et celui du village,
Le mobile c'est l'or,
Et non la charité, ce céleste trésor.
Pour grossir les recettes et les bonnes aubaines,
Au trépas des puissants on sonne six semaines.
Après cela, dors si tu peux,
Tu seras bienheureux.
L'excès fut de tout temps blâmable ;
Si j'en parle dans cette fable,
Peut-être me blâmera-t-on :
J'en demande pardon
A qui pourrait y voir offense.
Honni soit qui mal y pense.

Livre III, fable 9




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