L’Eléphant et le Levreau Baron de Stassart (1780 - 1854)

Qu’ai-je fait à Jupin avant que d’être né?
D’ennemis, en naissant, je suis environné.
Jeté dans l’univers, sans armes, sans défense,
À la merci de tous je suis abandonné…
Qu’on est malheureux quand on pense!…
Tandis que l’éléphant, armé jusques aux dents,
Et de sa seule masse épouvantant les gens.
Mange, boit, dort en assurance;
Je vis, hélas! ainsi qu’il plaît aux dieux:
Toujours l’oreille au guet, jamais fermer les yeux ;
A tout moment nouvelle transe.
C’est ainsi qu’un levreau déplorait ses malheurs.
Quand un cor résonna dans la forêt voisine.
Il détale au plus vite. Eloigné des chasseurs,
D’un œil jaloux il examine Un éléphant,
Contre un cèdre appuyé, dormant paisiblement.
Mais voilà que l’appui sous la masse succombe:
L’arbre, à demi coupé, se rompt ; l’éléphant tombe.
Entouré tout-à-coup de perfides veneurs,
Le géant se réveille, étonné de sa chute,
Pousse un profond soupir, et se rend aux vainqueurs.
Témoin de l’énorme culbute,
Notre levreau, pour lors, remercia les dieux
De l’avair fait petit, agile, soupçonneux.





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