Cette société, comment se forma-t-elle ?
C'est ce que ne dit pas
L'histoire, trop souvent peu claire et peu fidèle ;
Mais les auteurs font connaître le cas
Qui détermina la rupture :
On y voit que la Chèvre ayant fait la capture
D'un beau cerf en ses lacs,
Et demandé qu'on en fît le partage,
Sans réserver le plus mince avantage,
Le Lion partagea si bien
Qu'aux autres il ne resta rien.
Des quatre parts s'adjugeant la première
Et les deux qui suivaient, sans la moindre façon,
Il s'arrogea de même la dernière,
Et se fit la part du Lion ;
C'est de là que vient lé dicton.
Ces procédés pour le moins arbitraires
Déplurent aux sociétaires,
Qui dans les liens d'une franche union
Croyaient trouver force et protection,
« Pour nous il devrait être un père,
Se disaient-ils, un protecteur,
Et, dans le cas de querelle et de guerre,
Nous soutenir contre tout, agresseur ;
Mais il n'y paraît guère ;
C'est un larron, un ravisseur. »
On lui fit donc assez mauvaise mine;
Mais, par malheur, l'enfant de race ovine
Avec la Chèvre se brouilla,
Puis la Génisse avec la Chèvre,
Et l'on se disputait à se donner fa fièvre.,
Seigneur Lion, qu'à tort on appela
Pour calmer les esprits et mettre le holà,
Au lieu d'apaiser la querelle,
A sa politique fidèle,
L'envenima d'abord, plus tard la réveilla;
Puis, criant à la turbulence.
Pour se débarrasser
De cette disputeuse engeance,
Il résolut de l'annexer.
A l'en croire, contraint à ce dur sacrifice,
Il commença par la Génisse,
Qu'un beau matin il dépeça ;
La Chèvre, à son tour, y passa,
Puis la Brebis, qui dé peur trépassa.
Il crut devoir alors publier un mémoire
Pour expliquer comment de la protection
Il avait dû, par forme exécutoire,
En venir à l'annexion.
Ces procédés sont nombreux dans l'histoire :
Ainsi jadis protégeaient les Romains ;
Ainsi les czars protègent leurs voisins ;
Ainsi trois grands larrons, sans la moindre vergogne,
Ont autrefois protégé la Pologne ;
Ainsi protège l'usurier
Quand il fait sa triste besogne ;
Ainsi, passé maître dans le métier,
Le juif, digne enfant de sa race,
Protège un peu partout, et surtout en Alsace ;
Ainsi le Piémontais protège l'Italien,
Et les Anglais, le malheureux Indien.
Allez, un peu de racisme au passage. En cherchant à condamner les guerres injustes, il ne fait qu'attiser les haines, notre bon abbé de Beauregard... Et, en passant, l'ensemble est sans intérêt littéraire...