Faites-moi donc cesser ce petit drôle !
Je n'aime pas qu'on joue avec le feu !
Ma femme, renvoyez cependant à l'école,
S'il n'est pas sage ; ou nous verrons beau jeu.»
Ainsi parlait maître Mathieu
A sa ménagère Nicole.
Elle, sans se troubler l'esprit,
Tout en filant lui répondit :
« Suis-je pas là ? qu'est-ce qui vous tracasse ?
Laissons jouer notre pauvre petit.
Ne faut-il donc pas, comme on dit,
Mon cher mari, que jeunesse se passe ? »
On sent que le marmot, de cette humeur bonace.
Ne manqua pas de faire son profit.
De sa gaule, au foyer sans cesse raccourcie,
Il enflamme un des bouts et fait, à tour de bras,
Des ronds, des zig-zag, des éclats,
Dont sa prunelle est éblouie.
A sa mère il fait admirer
Ou l'étincelle pétillante,
Ou le ruban ardent, ou la braise mourante
Que l'air finit de dévorer.
Eteinte, il la rallume, et son léger caprice
Ne trouvant rien de plus plaisant
Que ce joli feu d'artifice,
La joie au cœur, le nez au vent,
Va courant, sautillant, tournoyant,
Tant qu'à la fin, las de cet exercice,
Il plante là sa gaule et prend sou bilboquet.
Puis son sabot, puis sa poupée….
De plaisir toujours occupée,
Telle est l'enfance ! âge heureux, en effet,
Ne fût-ce que par l'importance,
Qu'en son aimable pétulance,
Il attache à tout ce qu'il fait !
Non moins heureux par son imprévoyance !
Pour les ensans il est un dieu, dit-on.
On en dit autant de l'ivrogne
Dans mon cou pays de Gascogne ;
Mais ce dieu, quelquefois (j'en demande pardon
A l'inventeur de cet adage),
Sait mal jouer son personnage.
Ainsi fil celui du marmot.
En souffrant que dame Nicole
Traitât son mari comme un sot,
Il permit que, de celte gaule
Tant suspecte au prudent Mathieu,
Une étincelle incendiaire
Vînt tomber sur la chiffonnière.
Vers minuit, la maison en feu
Menaça brusquement la ville tout entière.
Accourant au bruit du tocsin ;
Chacun s'empresse à dompter la furie
De cet effroyable incendie.
On en vint à bout à la fin ;
Mais le pauvre Mathieu resté nu sur la place,
Sa Nicole et leur étourneau,
De la grillade heureux d'avoir sauvé leur peau
Furent réduits à la besace.
Mathieu, c'est moi : je vous le dis sans fard
C'est moi, que l'on n'écoute guère !
Nicole, c'est ce ministère
Qui se repentira trop tard
D'avoir cessé de tenir en lisière
Ce grand enfant, ce peuple indiscret et bava
Encore à son apprentissage
De nos modernes lois, qu'il essaie à rebours !
Envers et contre tous, je soutiendrai toujours
Qu'il n'est pas bon, qu'il n'est pas sage
D'ouvrir la lice à tous les sots discours
De nos savants à la douzaine.
Ce jeu n'est qu'un vrai casse-cou
Pour la pauvre raison humaine,
Qu'il mène, hélas ! on ne sait où.
Voit-on des ponts sans garde-fou,
Des bacs sans une bonne traille ?
Faites de la presse un joujou,
Vous n'en tirerez rien qui vaille.
Nos pauvres petits écrivains,
A qui vous laissez dans les mains
Ce hochet perfide et frivole,
Sont comme l'enfant de Nicole.
Laissez-les aller jusqu'au bout.
Ils vous met Iront le feu partout.





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