L’imagination amante du bonheur,
Sans cesse le désire et sans cesse l’appelle :
Mais sur elle il exerce une extrême rigueur,
Et fait pour ses désirs, il est peu fait pour elle.
Dans sa tendre jeunesse elle alla le chercher
Jusque dans l’amoureux empire ;
Mais lorsque du bonheur elle crut approcher
Les soupçons, le cruel martyre,
La délicatesse encor pire,
Soudain à ses transports le vinrent arracher.
Dans une âge plus mûr, du même objet charmée,
Au palais de l’ambition,
Elle crut satisfaire encor sa passion ;
Mais elle n’y trouva qu’une ombre, une fumée,
Fantôme du bonheur et pure illusion.
Enfin dans le pays qu’habite la richesse,
Séjour agréable et charmant,
Elle va demander son fugitif amant :
Elle y vit l’abondance, elle y vit la mollesse,
Avec le plaisir enchanteur ;
Il n’y manquait que le bonheur.
La voilà donc encor qui cherche et se promène :
Lasse des grands chemins, elle trouve à l’écart
Le sentier peu battu qu’on découvrait à peine.
Une beauté simple et sans art
Du lieu presque désert était la souveraine ;
C’était la piété. Là, notre amante en pleurs
Lui raconta son aventure :
Il ne tiendra qu’à vous de finir vos malheurs ;
Vous verrez le bonheur, c’est moi qui vous l’assure.
Lui dit la fille sainte ; il faut pour l’attirer
Demeurer avec moi, s’il se peut, sans attendre ;
Sans le chercher au moins, sans trop le désirer ;
Il arrive aussitôt qu’on cesse d’y prétendre,
Ou que dans sa recherche on sait se modérer.
L’imagination à l’avis sut se rendre,
Le bonheur vint sans différer.