L'Ambition avec dame Fortune,
Voulant s'allier au Bonheur,
Lui dirent : « vivons sans rancune ;
Et deviens notre émulateur.
Va, l'homme a besoin qu'on le guide ;
Et pour voir ses jours s'embellir,
C'est de toi seul qu'il est avide,
Vers qui tendent tous ses désirs :
Il croit en son ardent délire
Te rencontrer à chaque pas ;
Toujours il te cherche et t'aspire :
Plutus même te tend les bras ;
Et lu fuis loin de nous ! Voyons, en conscience,
Dois-tu tromper ainsi nos plus chers favoris,
Et préférer le toit qui couvre l'indigence
Aux plus riches palais, aux somptueux lambris ?
Le Bonheur leur départ : O trompeuses idoles,
Des soucis, un vain nom, sont vos seules valeurs ;
Vous dispensez, hélas ! avec des biens frivoles,
Les maux du genre humain, des tourments et des pleurs.
Toujours de son destin vous rendant les arbitres,
Ne vit-on pas jadis des vainqueurs inhumains,
Voulant tout envahir, acquérir divers titres,
Dans une injuste guerre ensanglanter leurs mains ?
Irai-je, consultant les pages de l'histoire,
Rappeler les forfaits de ces temps désastreux
Où le vainqueur de l'Inde, en ternissant sa gloire,
Soumit le Mexicain à des tourments affreux ?
Mais sans passer les mers, que d'illustres victimes
Par le glaive assassin ont terminé leurs jours !….
Combien d'êtres chéris par leurs vertus sublimes
Nous avons vu tomber sans appuis, sans secours !
Combien d'infortunés, dont le sang fume encore,
Moissonnés en naissant sous divers étendards,
En de rudes combats du couchant à l'aurore,
Nous ont été ravis par les foudres de Mars !
Tristes jouets du sort, soumis à l'imposture,
Ah ! combien d'innocents ont subi des revers !….
Sans pompe, sans éclat, l'ami de la nature
Me rencontre partout, chez les peuples divers.