Nous voyons très souvent, parmi les animaux,
Le miroir de notre misère,
De nos défauts,
Lorsque la Vanité devient la conseillère.
Il était Une fois
Un lion, le meilleur des rois.
C'était au temps où l'espèce animale
A l'homme était égale ;
Où les bêtes parlaient,
Se gouvernaient.
Dans le rang de l'honneur, chacun avait sa place ;
La première au lion, et puis, de race en race,
On descendait jusqu'aux baudets.
Tout bon gouvernement classe ainsi ses sujets.
Que le lion soit présent ou s'absente,
Place d'honneur le représente.
Un baudet, certain jour, se dit : sans vanité,
Je vaux bien le lion ; ma place est la dernière ;
Pourquoi n'irai-je pas même avant la première
Que l'on donne à sa Majesté?
Je ne veux pas prendre sa place ;
Occupons seulement, par-devant, cet espace
D'où j'éclipserai Monseigneur ;
D'où de l'encens j'aurai première odeur ;
D'eau bénite de cour aussi première goutte ;
Je m'y mets donc, coûte que coûte.
Il s'y mît en effet.
Mais sitôt que l'on ville boni de ses oreilles.
De sinistres rumeurs, au bruit des Ilots pareilles,
Lui portèrent ces mots : haro sur le Baudet.
On allait l'écharper sans procès, sans sentence.
Quand la voix du Lion imposa le silence.
S'il nous fallait, dit-il, condamner tous les sots,
Que deviendraient les animaux ?
Au dernier rang, Baudet était encore utile ;
Sera-t-il au premier, moins laid, moins imbécile,
Lui, les siens, moins rogneux,
En se faisant ambitieux !
Sottise de Baudet n'est pas une nouvelle ;
Et lorsque devant moi celui-ci vient s'asseoir,
Pour attirer à lui quelques coups d'encensoir,
En aura-t-il plus de cervelle ?
Laissez là le Baudet, il n'en est que plus sot.
Voilà mon dernier mot ;
De notre humanité n'est- ce point là l'image ?
Ceci nous rendra-t-il plus sage ?