Notre âne fanfaron me rappelle le trait
D’un baudet bien têtu, c’est-à-dire imbécile :
Or, de le croire il n’est pas dissicile.
Je vais le narrer tel qu’il est.
Ce baudet faisait route, et portait Colinette.
Le voilà fier, Myrtil était le conducteur.
Il voulait, en marchant, suivre sa docte tête ;
Et quoique le chemin fût de vaste largeur,
Le niais, pour briller sans doute,
Courait vers le sentier qui couronnait la route.
Myrtil menait au milieu du chemin,
L’animal entêté de reprendre son train :
Je sais marcher, disait le sire ;
Et depuis quinze ans environ
Je suis, sans trébucher, le chemin du piéton.
On cesse de le contredire,
Mais Colinette prudemment
Descend.
Il était sur le bord d’une grande rivière :
Pour lui donner une bonne leçon,
Bien assuré de le tirer d’affaire,
Myrtil, pour rire, laisse faire
Le confiant alîboron.
Au moment du péril, l’imbécile sommeille :
La terre tout-à-coup s’éboule sous ses pas,
Et le voilà dans l’onde. On l’arrache au trépas.
Holà, dit-il en secouant l’oreille,
J’ai fait un vrai pas d’écolier.
Je ne dois plus à moi seul me fier.
Au bon sens d’un mentor sachons nous confier.