Deux Monstres différentes échappés du Ténare
Obtinrent l'encens des mortels,
Et les Dieux jaloux des Autels
Sur les adorateurs de ce couple bizarre
Résolus d'épuiser la vengeance fie ses traits
Voulurent les punir par leurs propres forfaits.
Apollon descendit du séjour du Tonnerre,
Et ses premiers regards trouvèrent sur la terre
Dans un Temple paré de fleurs
L'Ambition, l'Envie, exécrables Idoles,
Troublant tous les esprits, embrasant tous les cœurs.
Vos souhaits, leur dit-il, ne seront plus frivoles,
L'une peut désirer fie dans le même instant
Elle obtiendra tout ce qui peut lui plaire,
L'autre cn aura deux fois autant.
Sans doute il m'appartient de parler la première,
Dit aussitôt l'Ambition altière,
Par la même raison je puis sans doute aussi.
Céder mon droit cette fois-ci.
Mais l'Envie à ces mots exhalant sa colère
Par un horrible sifflement,
Tu comptes, je le vois, y gagner doublement :
J'aurais beau souhaiter la félicité-même,
Pourrais-je en goûter la douceur ?
Je ne sentirais que l'horreur
D'avair fait ton bonheur suprême ;
Connais-moi donc, je délire et je veux
Perdre un œil pour t'en ôter deux.
Va, souffre, il me suffit, tes maux seront ma joie,
Va, c'est par les douleurs que tu l'emportera,
Je te verrai du moins à l'amertume en proie ;

L'Ambition fut la dupe par-là
De sa politique profonde ;
Tout-aveugle qu'elle est, elle prétend toujours
Donner des lois, régler nos jours,
Et ses égarements font les malheurs du monde.

Livre I, fable 8




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