Certain Midas, c'est-à-dire, un avare
Dont la maison pleine de coffres-forts
Du bas en haut regorgeait de trésors,
N'en invoquait pas moins la déesse bizarre
Dont la main au hasard verse à flots inégaux
Sur chacun des mortels et les biens et les maux.
Fortune, ô! disait-il, que ta toute-puissance
Loin de moi pour jamais écarte l'indigence.
A ma porte sans cesse erre son spectre affreux ;
Autour de ma maison contre elle pour barrière
Du Tage au sable d'or fais couler la rivière.
De l'avide Harpagon tels étaient donc les vœux,
Sans cesse rêvant l'or, un jour par la campagne
Il implorait ainsi l'injuste déité.
Vois-tu cette haute montagne ?
Lui cria-t-elle ; eh bien ! va de l'autre côté :
Dans le fond du vallon, sous des roches affreuses,
Entre deux bords étroits, lit d'un ancien torrent,
Coule encore un ruisseau, faible et léger courant
Dont les eaux merveilleuses
Changent en or l'objet qui vient à les toucher,
Ecoute ;
Si de ces eaux tu peux emporter une goute,
Tu ne verras jamais de tes toits s'approcher
La famélique et hideuse indigence.
Elle dit ; et plus prompt mille fois que l'oiseau
Notre homme au haut du mont s'élance,
Traverse le vallon, découvre le ruisseau :
Sous ses pieds il en foule enfin l'heureuse rive ;
Empressé de saisir la liqueur fugitive,
Il se courbe, il la touche. O prodige ! son corps
Fait, pour se relever, d'inutiles efforts.
Il a de l'or qu'il tient pris l'essence immuable.
De la cruelle faim victime déplorable
Du triste reste, hélas ! de ses malheureux jours
La mort compatissante enfin tranche le cours :
Mais sous le ciel brûlant de la zone infernale,
Plongé par l'ordre de Minos
Dans le fleuve où gémit le féroce Tantale,
Il y souffre, dit-on, encor les mêmes maux.