Le Serpent et la Colonne Claude-Joseph Dorat (1734 - 1780)

Un Serpent des plus étourdis,
Sous le parvis d'un Temple insulte une Colonne ;
Et le voilà qui l'environne
De ses innombrables replis.
Il est tems, dit-il, qu'on t'abatte,
Que de ton faste antique on délivre les airs.
En même tems, jaillissent les éclairs
De sa prunelle d'écarlate.
Il s'enfle, il se replie, irrite son poison ;
Et, dans l'accès de sa rage inutile,
Va contre le Marbre immobile
Dardant les traits aigus de son triple aiguillon.

UN Passant qui survient divise le reptile,
Qui, dans l'instant, détaché du fronton,
Ensanglante le Péristyle,
S'agite et rampe encor sur son double tronçon :
Mais, malgré ses efforts, la force l'abandonne ;
Sa crête, qui pâlit, veut en vain se dresser ;
Il meurt au bas de la Colonne
Qu'il s'efforçait de renverser.
A ces traits on connoît l'envie,
Et les venins qu'elle répand ;
Mais tôt ou tard elle est punie :
L'équitable public coupe en deux le Serpent,
Et l'abat aux pieds du Génie.

Livre I, fable 20




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