Dame cigale, en la belle saison,
Où tout se trouve en abondance,
Ne pensant qu'à faire bombance,
Chantait, sautait de buisson en buisson ;
Et de la Fourmi, sa voisine,
Raillait l'humeur chagrine.
A son compte toujours pensant à l'avenir,
L'avare de son bien ne savait pas jouir.
Sans cesse accumuler, quelle étrange folie !
La Fourmi cependant allait toujours son train.
Et sa dépense était remplie
Abondamment du meilleur grain.
Comme en ce bas monde tout passe !
Du beau temps l'hiver prit la place.
Aux champs, plus d'herbe ni de fleur,
Tout fut brûlé par la saison glaciale.
N'ayant rien gardé, la cigale
Très-fréquemment dinait par cœur.
Elle allait périr de misère :
En cette extrémité que faire ?
Je connais bien, dit-elle, un grenier bien fourni ;
Mais cette avare, la fourmi,
Ne m'en ouvrira pas la porte.
Allons la trouver cependant ;
Car autrement, Je suis une cigale morte.
Elle y va ; la fourmi soudain
Lui donne un sac du meilleur grain ;
Puis ajoute : Voyez, ma mie,
A quoi sert mon économie !
Aurois-je pu sans elle ainsi tous soulager !
Et jouir du plaisir si doux de partager ?
Cependant soyez diligente ;
Vous n'aurez pas toujours un tel appui :
Car quand on compte sur autrui,
On est souvent trompé dans son attente.
Ce même sujet a été traité par le célèbre LA FONTAINE, et si J'ai osé le remanier après lui, c'est que, suivant la remarque d'un écrivain, non moins fameux dans un autre genre, la moralité de sa fable est mauvaise, ou présente du moins un mauvais côté.