Trois voyageurs que le hasard rassemble,
Chemin faisant, trouvèrent un trésor ;
Bientôt tous trois furent d'accord,
Ils le partagèrent ensemble.
Que de projets dans un moment !
En continuant leur voyage,
Ils ne parlaient que de l'usage
Qu'ils allaient faire de l'argent.
L'or ne remplit point la bedaine ;
Nos gaillards, en marchant, gagnent de l'appétit
Conséquemment l'un d'eux partit
Pour, la ville la plus prochaine,
Afin de pouvair acheter
Des vivres pour s'alimenter,
(Le pourvoyeur, pendant sa route,
Disait í Je- suis riche, sans doute ;
Mais si j'avais seul le trésor,
Je le serais bien plus encor.
Mes compagnons, par ce maudit partage,
M'ont enlevé les deux tiers de mon bien.
Si j'avais fait seul le voyage,
Le tout serait à moi.... Mais il est un moyen
De le ravoir. Il me sera facile
D'empoisonner ce que j'achèterai ;
À mon retour, je leur dirai
Que j'ai fait mon dîner en ville.
Sans nul soupçon ils mangeront ;
Mangeant, ils s'empoisonneront ;
Je recueille après l'héritage,
Et ceci fait, je déménage.
Pendant qu'il tramait ce dessein
Pour avoir seul tout le butin,
Les dignes compagnons d'un aussi bon apôtre
Attendant son retour, se disaient, l'un à l'autre ?
Nous ayons eu trop de bonté
De partager ainsi la somme ;
Entre nous deux, c'est équité :
Mais lui non pas. II faudra que notre homme,
S'il ne veut pas qu'on l'étrangle ou qu'on l'assomme,
A son retour rende sa part.
II arrive l'autre pendard ;
Ses compagnons l'assassinèrent,
Des vivres infectés mangèrent,
Et le poison vengea sa mort.
Sordide, Avarice, est-ce à tort
Que l'âme noble et généreuse
Te trouve toujours plus hideuse ?
Tu causas seule plus de maux
Qu'ensemble la peste et la guerre ;
Argent et or, maudits métaux,
Que n'êtes-vous encor sous terre !