Au temps de la moisson la Fourmi matinale
Pour remplir ses greniers allait chercher du grain,
Lorsqu'elle rencontra la joyeuse Cigale,
Qui dans les blés mûris entonnait son refrain,
Et lui dit : « Vous vivez ici dans l'abondance,
Au milieu de ces épis d'or ;
Moi je traîne mon indigence,
Et le plus petit grain me serait un trésor. »
« Eh bien, prenez, ma sœur, emportez ces javelles,
Si c'est votre désir. Demain venez encor,
Et je vous choisirai les gerbes les plus belles.
L'économe fourmi ne se fit point prier ;
Ce n'est pas là son ordinaire.
Elle part. La Cigale entend bientôt crier :
« Au secours ! au secours ! » C'était l'autre commère
Qui se noyait dans un ruisseau.
La Cigale se jette à l'eau,
L'enlève, et sauve du naufrage
La dame et son bagage aussi,
Le danger disparu, ce fut un étalage
De sentiments, de grand-merci
Et de tous les propos d'usage,
« Venez, dit-elle, à mon logis,
Je veux vous rendre la pareille
Car c'est ainsi que j'en agis. »
Elle promit mont et merveille.
Mais quand du froid vint la saison,
La Cigale frappe à sa porte :
Elle avait muré sa maison,
Et dans un coin faisait la morte.