Le seigneur Jupiter ayant créé les Bêtes,
Leur dit : « Je vous ai du néant
Tirés tous tant que vous êtes.
Mais tous ne furent pas traités également.
Il en est de petite taille,
Qui sont timides et poltrons ;
D'autres n'aiment que la bataille,
Ils sont pleins d'appétits gloutons.
Changez ces mauvaises natures,
Choisissez un gouvernement
Qui sache régler vos allures,
Et vous vivrez honnêtement,
Tigre, parlez, que YOUS en semble ?
— Pour moi, seigneur, j'aime un Etat
Où le peuple obéit et tremble
Sous la loi d'un seul potentat. »
Pendant qu'il parlait de la sorte,
Il agitait sa grifse et fronçait le sourcil.
Un ours écoutait à la porte,
— « Et vous, monsieur l'Ours, lui dit-il,
Opinez, s'il vous plaît. — Je suis d'avis contraire,
Dit l'animal. Un seul nous dévorerait tous.
Partageons le pouvair ; la charge est plus légère,
Et confions l'État à douze d'entre nous, »
Les Renards se mirent à rire.
— « Y pensez-vous ? donner l'empire
A douze ambitieux qui nous feraient la loi ?
Pourquoi ne pas créer des chambres
Dont le peuple élira les membres,
Et pour chef nous choisir un roi ?
— Cette forme est impolitique,
Dit le Castor américain.
Fondons plutôt la République
Où le peuple est seul souverain.
Les Moutons gardaient le silence,
— « Et vous, bétail craintif et sot ;
Chacun dit ici ce qu'il pense,
Et vous ne soufflez pas le mot ?
Parlez. » Lors le Mouton : « Que nous importe, Sire,
Que les pouvairs soient partagés,
Ou qu'un seul obtienne l'empire ?
Nous n'en serons pas moins mangés ! »
Les Moutons ne sont pas si bêtes,
Lors Jupiter : Mes bons amis,
Vous êtes divisés d'avis
Et l'intérêt tourne vos têtes.
Si l'on vous écoutait chacun,
Vous établiriez au lieu d'un
Mille gouvernements. Restez comme vous êtes.