Un jeune coq, des mieux huppé,
En rôdant par son voisinage,
D'une jeune poulette aussi belle que sage,
Eut les yeux et le cœur également frappé.
Ce coq étant fort beau, comme elle était fort belle,
Elle sentit pour lui ce qu'il faisait pour elle ;
Leurs cœurs des mêmes traits furent tous deux blessés :
Et tous deux pénétrés de la même tendresse
Du matin jusqu'au soir ils se voyaient sans cesse,
Et ne se voyaient pas assez.
Pendant que l'un et l'autre à l'amour s'abandonnent
Et qu'ils jurent si tendrement
De s'aimer éternellement,
Leurs sévères parents autrement en ordonnent.
Le père du coq le contraint
A quitter sa chère poulette :
En vain de sa rigueur il gémit et se plaint :
Il faut qu'il obéisse ou qu'il fasse retraite.
D'abord sur le toit le plus haut
Il se réfugie et se guinde ;
Mais n'y pouvait trouver l'aliment qu'il lui faut
Pour contenter son père il lui fallut bientôt
Etouffer une poule d'Inde.
Ces époux dès le premier jour
Empêchés de leur contenance,
S'étant mariés sans amour
Se traitent sans complaisance,
Outre qu'ils négligeaient le soin
De se dire des yeux quelque chose de tendre,
Leur langage à tous deux était un baragouin
Qu'eux-mêmes ne pouvaient entendre
Quand le coq chantait ou parlait
La Dinde aurait juré que c'était des murmures :
Et quand la Dine l'appelait
Il croyait ouïr des injures.
En un mot, leur destin ne fit point d'envieux.
Il faut que pour bien vivre ensemble
L'amour ait soin d'unir ce qu' l'Hymen assemble :
Il est sûr qu'on s'entend bien mieux.
Note de l'auteur : Trouvez bon, madame, que je n'ajoute rien à une fable qui en dit assez pour vous faire connaître que je suis, avec autant de sincérité que de respect, votre très humble et très obéissant serviteur.