Thémis et le Brigand Edmé Boursault (1638 - 1701)

Ce ne sont pas toujours les plus honnêtes gens
Que ceux qu'épargne le tonnerre :
Les Dieux seraient trop indulgents
De vouloir aux méchants faire eux-mêmes la guerre ;
Commissaires, prévôts, sergents
Sont les factotons sur la terre.
Je vais en peu de mots prouver ce que je dis.

Certain brigand dont le manège
Était si dépravé que les plus noirs bandits
Paraissaient près de lui plus blancs que de la neige ;
Un soir qu'il faisait un grand vent
S'endormir sous le toit d'une méchante ferme
Où soudain Thémis arrivant
Lui fit entrevoir en rêvant
Que sa vie en ce lieu n'aurait pas un long terme.
A peine en fût-il hors que le vent redoubla
Mais avec tant de violence
Qu'en tombant le toit accable
Si bœufs, qui du fermier composaient l'opulence.
Quelles grâces, dit le voleur,
Equitable déesse ai-je lieu de vous rendre ;
Sans la part qu'à mon sort vous avez voulu prendre
J'étais enveloppé dans un si grand malheureux.
Si tu crois, dit Thémis, que je sois équitable,
Cesse de me remercier :
Tu ne m'es pas si redevable
Que je t'entends te récrier,
Sous le débris que tu contemples
Je pouvais te laisser périr :
Mais faite de te secourir
J'ôtais à tes pareils un des plus grand exemples
Que pour les corriger je puisse leur offrir.
Si je t'ai conservé la vie
Le fruit que j'en ai prétendu
Est que dans peu de jours elle soit ravie
Avec l'opprobre qui t'est dû
Rien n'échappe à Thémis qui ne soit un Oracle.
Bientôt les prévôts, les sergents,
De la juste déesse onéraires agents
Firent du scélérat un lugubre spectacle
C'est l'inévitable destin
De force méchants qui prospèrent :
Pour les trouver heureux attendons-en la fin ;
Ce n'est pas sans raison que les Dieu la différent.



Note de l'auteur : Quoi que vous ayez fait pour vous déclarer mon ennemi, vous voyez, monsieur, que je ne suis que médiocrement le vôtre, puisque je vous donne avis du mal dont vous êtes menacé et que vous ne m'avez pas averti de celui que vous me vouliez faire...

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