Le Coq, le Dindon et le Perroquet Édouard Granger (19ème siècle)

Par devant maître coq, juge de son canton,
Comparut un jour un dindon,
Accusé par un paon d'avoir, dans une cage,
Donné la mort à trois do ses petits.
Un perroquet du voisinage
Défendait le dindon. Certain taureau métis
Invite l'auditoire au plus profond silence.
Lors, maître Perroquet, d'un air majestueux
Se présente à la barre, et d'un ton chaleureux
Soutient qu'il prouvera clairement l'innocence
De celle victime du sort.
De sa race il s'en vu rechercher l'origine,
Parle de l'Inde et de la Chine,
Vole du nord au sud, de bâbord à tribord ;
Court de l'Euphrate au Rhin, de Stockholm à Médine ;
S'écarte de sa cause, om par un beau transport
S'en revient aux vertus du dindon qu'on accuse ;
De ses cris larmoyants largement il abuse ;
Puis s'égare au milieu de ses déductions.
Oubliant son sujet, il pose maint dilemme,
Et se noie et se perd dans ses citations :
« — Mais, au fait, avocat; resserrez votre thème,
Ou nous couchons ici ! » dit le coq furieux.
— Non, reprit le dindon, à mon sons il vaut mieux
Que votre seigneurie examine la cage
Dans laquelle j'ai pu commettre un tel carnage!
Regardez l'ouverture et voyez ma grosseur.
Y puis-je entrer, dites-moi ? — Non, sans doute
Reprit un canard assesseur.
— Donc pour y pénétrer, s'il n'est point d'autre roule,
« Je ne puis être criminel.... »
Or, le coq s'écria : « Parbleu ! la chose est claire;
Depuis une heure ici l'on gale ton affaire.
Par les dieux ! peste soit du parleur éternel ;
Car rien quo pour le faire taire,
« Je t'allais condamner... Ma foi, tu fis très bien
« De plaider tu cause toi-même. »

Soyons simple, concis, c'est le meilleur système :
Qui veut par trop prouver, souvent ne prouve rien.

Livre I, fable 7




Commentaires