L'Aigle et le Vautour Éliphas Lévi (1810 - 1875)

L'aigle avec le vautour se croisait dans les nues.
- Salut, dit le vautour, à mon cousin le roi !
Je suis aussi large que toi
Quand j'ai les ailes étendues ;
Mon vol comme le tien perce l'immensité,
Et je vois s'abaisser sous votre majesté
Les hauteurs de la terre et les grandeurs des ondes !
- Oui, dit l'aigle, tous deux nous planons dans les cieux,
Moi pour voir de plus près le soleil radieux,
Toi pour voir de plus loin les cadavres immondes.

Grands hommes qui cherchez de l'or au jour le jour,
Souvenez-vous parfois de l'aigle et du vautour.

Livre II, fable 25


Symbole 25 :

La nature et Dieu ont été le double sujet de notre premier livre.
La religion et l’homme, tel est le sujet du second.
Dans le troisième nous décrivons le combat de la vie.
Dans le quatrième, le triomphe du sage.
Dans le cinquième, l’éternité de la vie ou la paix profonde des rose-croix.
Et dans le sixième, la parfaite sagesse et les grands arcanes.
Nous sommes arrivé à la fable qui résume notre second livre.
Le dernier développement de l’homme manifeste en lui ce que nous nommons le génie figuré par les ailes du sphinx. Si le point de départ de l’homme a été la vérité, si son but a toujours été la justice, ses ailes sont semblables à celles de l’aigle. Ce q’il cherche en s’élevant au-dessus des autres, c’est la plénitude de la lumière. Mais si l’ambition a été l’unique mobile de ses efforts, s’il ne s’agrandit que par orgueil, il devient un grand fléau pour le monde comme il en est le plus effrayant scandale. Le succès du vice, en effet, semble un affront fait à la vertu et un démenti donné à la justice, mais ce succès d’un moment prépare une chute terrible, et avant même cette chute la gloire ne s’y trompe pas et ne confond pas les aigles avec les vautours.
L’aigle d’Alexandre n’est resté sublime dans l’histoire que parce qu’il représente la civilisation de la Grèce perçant la nuit du despotisme oriental.
Attila, plus tard, fut victorieux comme Alexandre et ne laisse après lui qu’un souvenir de destruction et d’épouvante. C’est qu’il renversait la civilisation au lieu de l’étendre, c’est que l’aigle de l’intelligence en planait pas sur sa tête pendant qu’il attirait à la suite de son armée des nuées de corbeaux et de vautours.
L’aigle d’or et l’aigle blanche sont les armoiries de la lumière, opposées à ces vautours noirs et bicéphales qui sont les aigles de la nuit.


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