Vous chez qui les vertus se transforment en grâces
Et dont la raison suit les traces,
Vous dont le cœur ferait un ange de l'Amour,
Vous voulez pour la tombe où va dormir Cavour
Quelques rimes et quelques larmes.
A vos ordres si pleins de charmes
Je ne sais résister jamais ;
Mais puis-je m'affliger de ce qu'il se repose,
Quand vos pleurs me font croire à son apothéose,
Quand je lui porte envie en voyant vos regrets ?
Un grand homme expirait, et tout un peuple en larmes
Accusait à genoux l'inclémence du sort,
Conjurait l'Eternel de détourner ses armes
Et demandait grâce à la Mort.
La Mort alors parut, non sous la forme pâle
D'un squelette qui marche et rit cruellement,
Mais sous les traits d'un ange au sourire charmant,
Qui tenait d'une main la palme triomphale
Et de l'autre brisait les fers.
- Eh quoi ! dit-elle au peuple, ingrate multitude,
Après tant de soins et d'étude,
Tant d'outrages reçus et tant de maux soufferts,
Tu ne veux pas que du génie
La peine aujourd'hui soit finie ?
Tu trouves qu'il n'a pas encore mérité
Sa liberté !
D'une masse inerte et glacée
Je viens émanciper son âme et sa pensée,
Et ses rêves d'hier demain seront des lois ;
Son esprit planera sur les conseils des rois.
Je lui donne du champ pour mesurer la terre,
J'élève son idée au-dessus de la guerre.
Sa gloire est un levier qui, vainqueur aujourd'hui,
Aura l'éternité pour dernier point d'appui ;
Et ce qu'on appelait naguère
Ses paradoxes personnels,
Grâce à la puissance qu'il fonde,
Demain deviendra pour le monde
Les vrais principes éternels !
Voyez donc s'il est temps qu'il meure
Et s'il est juste qu'on le pleure.
L'âme n'éteint jamais sa sublime clarté,
Et lorsqu'au changement nature la convie,
Ce n'est jamais la mort, c'est un pas dans la vie,
C'est un progrès de plus dans l'immortalité.
Symbole Fable 11 et 12 :
Les pleurs donnent la joie, et la mort donne la vie. Heureux ceux qui pleurent, a dit le Maître, parce qu’ils seront consolés. Heureux ceux qui meurent, parce qu’ils se reposent. Pleurer c’est désirer ; mourir c’est avancer. Les pleurs purifient l’amour, la mort est l’absolution de la vie. La mort essuie les pleurs, car les pleurs sont le souvenir et la mort est l’oubli. Tout ce qui est mortel passe avec la vie mortelle ; tout ce qui est éternel renaît avec la vie nouvelle. On pleure d’avoir ri et puis on rit d’avoir pleuré. L’hiver pleure sur les arbres morts, le printemps rit sur les pousses nouvelles. La jeunesse éternelle de la nature est comme celle des petits enfants, un long sourire trempé de larmes, et le sourire est si beau et si triomphant quand revient le jour, que près de lui les larmes, comme les gouttes de rosée sur les fleurs, ne sont que les perles de la nuit et servent d’innombrables miroirs aux regards brillants de l’aurore.