L'Aurore eut un époux qui vieillissait trop vite.
Hélas ! si les plaisirs sont courts
Ils n'en rendent pas moins décrépits nos amours,
Et le temps avec eux fuit et se précipite.
Depuis, l'Aurore en souriant
Par dépit, par fierté, mais plaignant son veuvage,
Victime du néant d'un triste mariage,
Remplissait de ses pleurs le splendide Orient.
Ces pleurs sur le sein de Cybèle
En tombant la rendirent belle,
Et la rajeunirent si bien,
Que l'Aurore, voyant le pouvair de ses larmes,
Voulut rendre à l'Hymen sa vigueur et ses charmes.
Mais sur l'amour usé les pleurs ne peuvent rien.
Et la Terre lui dit : - O naïve déesse !
Si Tithon pouvait rajeunir,
Tes pleurs bientôt devraient finir,
Tu verrais à grands pas revenir la vieillesse.
Le souvenir commence où finit le bonheur.
Regarde ces lis et ces roses
Pour toi nouvellement écloses,
Elles naissent déjà des regrets de ton cœur :
Ce sont tes désirs, tes caresses
Et tes fugitives ivresses
Qui sortent de la terre en mirage animé.
Une larme de toi dans leur sein déposée
Se change en goutte de rosée.
Sois donc fière d'avoir aimé,
Et pleure, ma divine Aurore ;
Car pleurer, c'est aimer encore !
Pour empêcher l'amour et nos cœurs de mourir,
Le ciel a révélé la gloire de souffrir.
Trop souvent nos plaisirs provoquent le tonnerre,
Mais l'orage s'apaise à la voix des douleurs,
Et voués au travail, nos cœurs sont une terre
Que le regret féconde en y semant des pleurs.