Escorté de nuages sombres,
L'hiver au triste front, au regard sourcilleux,
S'était enfui dans l'empire des ombres.
Tout renaissait sous un ciel plus heureux.
Le printemps couronné de fleurs et de verdure
Venait d'un trop long deuil consoler la nature.
De ses bienfaits empressé de jouir,
A peine l'aube encor commençait à paraître,
Qu'un matin je sortais, respirant le plaisir
De voir sous mes pas tout renaître.
Un myrte, bel arbuste à Vénus consacré,
Déployait son gentil feuillage ;
Mais de quel riche et nouvel étalage
Aux premiers feux du jour il se montre paré !
Chaque rameau de perles éclatantes
Est parsemé ; sur lui flottent l'or, le rubis,
Et des flammes étincelantes,
S'élançant de son sein, frappent mon œil surpris.
« Arbuste qui m'es cher, d'un semblable prodige
Veuille m'expliquer le secret.
Dis quelle main a versé sur ta tige
Ces trésors inconnus ?
- Oui, d'un double bienfait
Je ressens, me dit-il, la céleste influence.
Échappant aux frimas, ma fragile existence
Par leurs effets communs se ranime à la fois.
Pendant la nuit, de la voûte éthérée
Descend une humide rosée
Qui produit sur mon front les perles que tu vois ;
J'en recueille en mon sein la liqueur abondante,
Et ma sève ainsi s'alimente.
Bientôt l'astre majestueux
Qui dans son cours régit le monde,
Apparaît : ses traits radieux
M'apportent à leur tour une chaleur féconde.
Au pur cristal dont mon front est orné
Leur brillante lumière en jouant se marie ;
Je sens agir en moi les germes de la vie ;
De fleurs, dans peu de jours, je serai couronné. »
Goûtons, goûtons aussi les bienfaits de l'aurore,
Et que, dès le printemps, dans un cœur pur encore,
S'unisse à la raison la sensibilité !
D'une existence vertueuse
Leur accord nourrira la sève généreuse :
L'une enseigne l'amour, l'autre la vérité.