Mes amis, disait un Dindon,
Puisque le ciel nous a fait don
D'une agréable mélodie,
Pourquoi, sous cet ombrage vert,
De nos chants variés et si pleins d'harmonie,
Ne faisons-nous pas un concert ?
N'ayons pas le Serin, la Linotte étourdie,
Et le Rossignol né pour chanter au désert.
Leurs discordantes voix gâteraient la partie.
Ce discours modeste et touchant
Transporte les oiseaux. La troupe émerveillée
Se place. Un Oison vient, et dirige le chant.
Des Hiboux écoutaient, rangés sous la feuillée.
Un Canard faisait le dessus ;
Le Paon la taille ; une Bécasse
La haute-contre, et le Dindon la basse.
Je vous laisse à penser de tous ces bruits confus
Quel était l'accord et la grâce !
L'auditoire riait tout bas ;
Et l'on se bouchait les oreilles.
Le Paon disait : Nous ferions des merveilles,
Si le Canard ne faussait pas.
— C'est la Bécasse, ce me semble,
Qui détonne et chante sans goût,
Répondait le Canard. — Le Dindon gâte tout,
S'écriait la Bécasse. — Eh ! c'est vous tous ensemble
Qui dérangez l'accord, ripostait le Dindon.
— Tout allait si bien ! c'est dommage ;
Disait, en s'en allant, l'Oison.
Un Hibou, fatigué de ce bruyant ramage,
Leur dit : Présomptueux, qui nous étourdissez
De votre musique barbare,
Nous avez-vous ici placés
Pour entendre ce tintamarre ?
Quoi ! vous vous accusez chacun
De sottise faite en commun ?
Sachez que le talent habile
Confesse ses défauts et ne s'en prend qu'à lui ;
Mais l'ignorant ou l'imbécile
Rejette les siens sur autrui.