Notre Roi-citoyen se mit un jour en frais,
Et retint à dîner un Bourgeois son confrère.
Le festin fut brillant en splendides apprêts ;
Le prince, au surnom populaire,
Donnait un grand repas ; il vivait richement.
Mais du Bourgeois sans cesse on enlevait l'assiette
Avant que du dîner il n'eût attrapé miette ;
Et le prince eut lapé le tout en un moment.
Pour servir à sa seigneurie
Un plat de son métier, le bon bourgeois le prie.
Volontiers, dit le Roi, car avec mes amis
Je ne fais point cérémonie.
Au bivac le couvert fut mis ;
Du Bourgeois, dans son allégresse,
Le Roi loua la politesse,
Trouva le dîner cuit à point ;
Bon appétit surtout ; les rois n'en manquent point.
Il se réjouissait à l'odeur de la viande,
Mise en menus morceaux, et qu'il croyait friande.
Mais pour ne pas l'embarrasser,
On ne servit qu'un plat d'assez pauvre apparence.
D'un si mauvais régal il eût pu se passer,
Car la bouche du sire était d'autre dépense.
Il fallut, presqu'àjeun, retourner au logis,
Honteux comme Henri cinq, qu'au pain sec on a mis,
Serrant les dents, maudissant sa fortune.
Princes, c'est pour vous que j'écris ;
Craignez toujours notre rancune.