Le Dauphin et le Singe Eugénie et Laure Fiot (19ème siècle)

Un brick, longtemps tourmenté par l’orage,
Et brisé par l’aquilon, Venait de faire naufrage
À deux milles de Toulon.
Passagers, matelots, pour conserver leur vie,
Luttaient contre les flots.
Un singe aussi, comme eux, luttait de compagnie.
Un dauphin le rencontre, et le prend sur son dos,
Trompé par sa ressemblance Avec un visage humain.
(L’homme n’a pas d’ami meilleur que le dauphin.)
Tandis que du rivage il suivait le chemin,
Il dit au naufragé : « Vous êtes de la France?
Oui, reprit celui-ci (bien qu’il fût Africain) ;
Je suis Français et d’illustre naissance.
Connaissez-vous Toulon? dit le poisson marin.
Toulon ! reprend le singé, enflé de suffisance,
C’est un de mes amis, un homme d’importance!… «
Le dauphin, à ce mot,
De plus près regardant reconnût le magot,
Et vit qu’au lieu d’un homme il sauvait une bête ;
Aussitôt, il pique une tête,
Et, pour réparer son erreur,
Rend aux flots irrités son impudent menteur;

On se confond toujours soi-même,
Par mensonge et par vanité;
De tous discours le meilleur thème
Est bien la modestie et la sincérité.

Fables nouvelles, Livre VI, Fable 14, 1851




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