La Vérité qui nuit Franz Hermann Lafermière (1737 - 1796)

La Vérité, dit-on, ne saurait jamais nuire.
C'est un dicton des Sages de nos jours.
Nos Pères, il est vrai, prétendaient que toujours
La Vérité n'était pas bonne à dire.
Hé bien nos Peres avaient tort :
Car c'est nos Sages qu'il faut croire.
Mais voici pourtant une histoire
Qui me semble avec eux sur cela реu d'accord.
Une histoire ? Hé, mon Dieu ! n'avez-vous pas de honte ?
L'un des deux votre histoire a tort,
Ou votre histoire n'est qu'un conte.
Mettez-vous cela dans l'esprit :
On ne nous en fait plus accroire,
Et sur ce point-là tout est dit.
Hé bien ! voyons donc votre histoire.
Un Roi faisait conduire un Esclave à la mort.
Celui-ci, sur le point de terminer son sort,
N'espérant rien de mieux, ne craignant rien de pire
De ce Maître irrité, se mit à le maudire.
Le Roi, qui l'observait, veut savoir ce qu'il dit.
Seigneur, répond quelqu'un, l'Esclave vous bénit.
Le Roi sent qu'à ce mot sa colère se passe :
Hé bien, en ce cas-là, dit- il, je lui fais grâce.
Quoi, Seigneur ! dit un autre, on ose vous mentir !
L'Esclave vous maudit, bien loin de vous bénir.

Diseurs de Vérités ! celle-ci pouvait nuire.
La Vérité par fois n'est donc pas bonne à dire.

Fables et contes dédiés a Son Altesse Impériale Monseigneur le Grand Duc, Livre I, Fable XXV


La Vérité est certainement bonne à dire à celui qui est prêt à l'entendre.

Commentaires