Un porc grossier, renfermé dans une étable, entendit un jour chanter le rossignol et s'imagina être doué de la même mélodie. Le disgracieux animal interrompait parfois de sa musique infernale les accents si purs de ce gosier sans égal. Bien que celui- ci l'eût entendue, il ne pensait pas qu'elle fût dirigée contre lui, et il continuait à chanter joyeux dans son nid ; car qui n'offense personne ne craint pas d'être offensé. « Ne vois-tu pas, lui dit le colibri, cette bête qui grogne non loin d'ici ? Ses cris n'ont
d'autre but que de te donner du souci. Eh ! eh ! s'écria le rossignol, le cochon serait-il mon détracteur ? Plût au ciel qu'il fût né chanteur ! Mais pour punir son insolence et lui clore la bouche, je veux, dans une lutte, lui prouver la différence qui existe entre son grouin et mon bec. Arrête, reprit l'oiseau- mouche, irais-tu, quand je te sors du doute par pure amitié, commettre la bassesse de lutter avec un cochon ? Le Seigneur des seigneurs le créa pour la fange ; il te fit pour te nourrir du suc des plus belles fleurs et pour célébrer les amours. Bien dit, répondit aussitôt le rossignol, j'ai tort. Je méprise son attaque grossière. Qu'il cherche un autre animal qui puisse s'abaisser jusqu'à lui. »
Voltigeant de fleur en fleur, le prudent conseiller s'en fut, suivi du ravissant chanteur, sans s'occuper plus longtemps du cochon. Le rossignol se montra sage.