Dans un vaste salon, du haut d’un piédestal,
Un candélabre altier cherche un beau jour querelle
Au modeste bougeoir, porteur d’une chandelle,
Qui placé près de lui ne pensait pas à mal.
Le candélabre, étant tout pétri d’arrogance,
Regarde le bougeoir d’un air plein d’insolence,
Et puis lui dit en ricanant:
« Retire-toi d’ici ; laisse-moi seul, manant !
Allons, ne vois-tu pas que les gens de ta sorte
N’ont jamais eu le droit de franchir cette porte ?
Bougeoir, dans le salon tu n’es qu’un étranger.
Tu viens ici, je crois, pour me faire enrager !
N’es-tu pas tout confus au milieu des peintures,
Et des tapis brodés et des belles sculptures ?
Aujourd’hui le hasard près de moi t’introduit ;
Demain tu vas rentrer dans quelque obscur réduit ! » ‘
Le bougeoir, prenant la parole,
Lui répondit d’un ton tout juste bénévole :
« Pourquoi me parles-tu de cet air arrogant,
Me traitant comme un intrigant ?
Bien plus que toi je sers ; je porte la lumière
De la chambre au salon, de la cave au grenier.
Quant à toi, je le sais, tu restes sans rien faire
Souvent un mois entier !
Ah ! tu ne devrais pas avair mine si fière !
Puisque je suis utile et que tu ne l’es pas,
Certes je te vaux bien, mon frère ;
Ne fais donc plus tant d’embarras ! »
8, 1856