Sur les premiers rameaux d’un grand arbre touffu,
Tout ployé sous les fruits, riche et doux revenu,
Au sein de sa famille, humble et paisible race,
Vivait au jour le jour une jeune Limace.
Gai logis, bons repas, amitié, pur trésor,
C’était un paradis. Que fallait-il encor ?
Il eût fallu, du vrai bien satisfaite,
Ne voir, n’aimer toujours que son premier berceau.
Mais un jour, l'imprudente ! Elle regarde en haut ;
Et de son arbre elle croit voir le faite
Au souffle du zéphyr légèrement bercé ;
Parmi les feuilles qui frémissent,
Elle a surpris un son mollement cadencé.
Prés du ciel les fruits qui murissent
Sont bien plus doux, d’un beau vermeil ;
Ils ont les regards du soleil.
Et déjà le désir appauvrit l’abondance.
Bien que d’un éléphant n’ayant la corpulence,
La pauvre pécore commence
Chez elle à trouver tout bien mesquin, bien étroit.
« Savair se contenter, dit-elle, est d’un cœur froid.
Quant au repos, c’est chose monotone ;
On ne s’y sent pas vivre, et quel fade plaisir
De ne faire envie a personne !
Vite au sommet! Mais chut! sans bruit il faut partir. »
La chétive à grimper péniblement s’efforce ;
Gauchement sa lenteur se hâte sur l’écorce.
Elle parvient enfin au but de son labeur,
Oh ! ma pauvrette endolorie !
Par les feux du soleil à moitié racornie,
As-tu trouvé la vie, et tiens-tu le bonheur ?
Non, tu regardes en arrière,
Ces fruits sont en effet inondés de lumière
Mais la chaleur les a pourris,
Ces sons qui descendaient par l’espace adoucis,
C’est l'aigu sifflement d’une affreuse tempête ;
De façon que la pauvre bête,
Secouée en tous sens sur l’arbre qui se tord,
S’englue et se cramponne en un supréme effort,
Pour n’être pas de son poste arrachée.
Qu’elle descende donc! Non, l’amour-propre est la
Qui la retient au supplice attachée.
Un corbeau, noir flâneur, en passant la goba.