Les deux Tonneaux Ivan Krylov (1768 - 1844)

Deux tonneaux, seuls et sans guide,
Suivaient , un jour, leur chemin ;
L'un d'eux était creux et vide,
Et l'autre plein du liquide
Qui charme le genre humain.
Sans bruit, toujours en arrière.
Le dernier marchait au pas ;
Mais l'autre, sur chaque ornière
Bondissant avec fracas.
Lançait des flots de poussière
Et faisait grand embarras.
Voyant l'énorme futaille
Sauter par bonds enragés.
Les passants vers la muraille
Prudemment s'étaient rangés.
Mais cette foule stupide.
Faisant fi du tonneau plein,
Admirait d'un œil avide
Les ébats du tonneau vide,
Qui pourtant ne valait rien.

Tel fait bruit de sa vaillance
Qui, très-souvent, n'a rien fait;
Tel est un béros parfait
Qui marcbe et passe en silence.
En soi chercbant son appui,
De tout temps le vrai grand homme
Laissa, de mots économe.
Ses hauts faits parler pour lui.

Livre VII, fable 3




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