L'Abeille et les Mouches Ivan Krylov (1768 - 1844)

Vers des pays nouveaux, pour voir choses nouvelles,
Des mouches, un beau jour, allaient porter leurs ailes.
Dans leur projet bien arrêté,
\os touristes voulaient faire entrer une abeille.
Un perroquet bavard leur avait raconté
De ces climats lointains merveille sur merveille;
De plus, il était clair que du pays natal
Les gens ligués pour les exclure
A leur faim désormais refusaient tout régal.
u honte! à leur lésine a-t-on rien vu d'égal ?
C'est tous les jours nouvelle injure!
A table, un globe de cristal Nous interdit la confiture ;
Enfin des palais, pour changer.
Si nous fuyons tout indignées,
Dans la chaumière autre danger : Nous y trouvons les araignées !
- Bon voyage! Pour moi, mes goûts sont différents.
Dit l'abeille, au pays est le bonheur suprême.
Mon miel m'y vaut l'accueil des grands ;
Comme en ville, au village on m'aime.
Mais vous, courez, volez où bon vous semblera,
Toujours où vous irez même sort vous suivra.
Inutiles partout, du pays éloignées,
Vous verrez le mépris rabattre votre orgueil ;
Vous n'aurez pour vous faire accueil
Que la patte des araignées. »

Celui qui par d'heureux efforts
Peut être utile à sa patrie,
X'ira jamais sur d'autres bords,
Fils ingrat, dépenser sa vie.
Si l'oisif sans talents se plaît à voyager.
C'est que, loin du pays, sa honte est plus légère ;
Sa paresse a compris qu'un hôte passager
Ne doit point de travail à la terre étrangère.

Livre VII, fable 7




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