Il était une fois au sommet d’un village
Un tout jeune berger, portant un grand bâton,
Au milieu des sapins, splendide paysage
Il menait son troupeau, il gardait ses moutons.
Il s’était vu confier cette tâche sérieuse
D’ouvrir les deux yeux, de veiller alentours,
De guetter longuement la présence insidieuse
Des animaux des bois qui suivraient son parcours.
D’escalader si haut, il avait l’habitude,
Il ne se plaignait pas, n’était pas malheureux,
Mais il s’ennuyait fort en cette solitude
Il s’inventa alors un jeu bien dangereux.
Aux hommes qui restaient en bas, dans la vallée
Il se manifesta, en appelant bien fort :
« Au loup, au loup, au loup ! » jusqu’à voir, affolée,
La horde des fermiers, toutes fourches dehors.
« Il y a, paraît-il, un loup dans les parages ! »
On passe au peigne fin tous les bois du comté
On s’enquiert, on inspecte, on traque et l’on enrage
De s’en revenir sans personne à affronter.
On abandonne enfin cette quête bien vaine,
À la tombée du jour, dès le soleil couchant :
« Le loup doit être loin, retournons dans la plaine,
Retrouver nos logis, nos terres et nos champs. »
Le lendemain matin, trouvant la blague exquise
Notre petit berger, notre jeune filou,
Décida, de nouveau d’opérer à sa guise,
Et se mit à brailler : « Au loup, au loup, au loup ! »
Les paysans du bourg, tous de bien bonnes pâtes
Se déplacèrent encor, fourche en main, dans l’espoir
De tomber enfin sur la bête à quatre pattes,
Ou sinon pour le moins, de l’entrapercevoir…
Du sauvage animal, nulle trace visible,
Il n’y avait pas là de quoi fouetter un chat,
Personne ne perçut d’existence tangible
De la bête et la foule agacée se fâcha
Et blâma le berger pour autant d’insouciance
En promettant bien fort qu’on ne l’y prendrait plus.
Vous l’avez deviné, ça, je vous fais confiance,
Le lendemain surgit un prédateur goulu.
« Au loup, au loup, au loup ! hurla le petit homme
La bête est là, j’ai peur, qui voudra m’écouter ? »
Mais les cris du berger n'inquiétèrent personne,
Car à force d’user de leur crédulité
Chacun des villageois se boucha les oreilles,
Insensible aux appels du farceur, de l’idiot
Qui les avait trompés la veille et l’avant-veille !
Le loup pendant ce temps dévora les agneaux.
Fable inspirée d'Esope