Le Corbeau et le Renard Jean Baudoin (1590 - 1650)

Le Corbeau ayant trouvé quelque chose, s’en réjouissait et faisait un merveilleux bruit sur un Arbre ; lors que le Renard, qui lui vit faire toutes ces mines, étant accouru à lui : « Bien te soit, dit-il, Monsieur le Corbeau : l’ai souvent oui dire d’étranges choses de toi, mais à ce que je vois maintenant, elles sont bien fausses. Voilà pour, quoi, comme j’ay passé par ici, t’ayant vu fortuitement perché sur cet Arbre , je me suis avisé de m’en approcher, pour rejeter cette calomnie. Car quelle apparence y a-t-il de souffrir qu’on die de toi, que tu es plus noir que de la poix, puis que mes yeux me font voir que tu surpasses la Neige en blancheur ? Certes, s’il en faut faut croire mon jugement, je trouve que tu as de l’avantage par dessus les Cygnes et que tu es plus beau que du lierre blanc. Que si ta voix était aussi excellente que tes plumes, je ne croirais pas mentir, si je t’appelais le Roy des Oiseaux. Ces termes de flatterie alléchèrent si bien le Corbeau, qu’il lui prit envie de chanter; mais comme il s’apprêtait pour cela, il laissa choir un fourmage qu’il avait au bec et le Renard s’en saisit incontinent. Il s’éclata de rire pour lors, tandis que de son côté le misérable Corbeau demeura confus et qu’il eut grande honte de sa perte et de son malheur.





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