La Pie et ses petits Jean-François Guichard (1731 - 1811)

Les petits de certaine pie,
Conduits aux champs, voulaient au nid s'en revenir.
Il est temps, dit la mère, il est temps de courir ;
Vous êtes assez grands pour chercher votre vie ;
Croyez-vous que toujours je doive vous nourrir ?
Vous faites les douillets ; moins que vous j'étais forte
Lorsque je fus laissée, et je n'en suis pas morte.
Vous savez manger seuls ; ainsi, mes beaux enfants,
Comme est notre coutume, allez donc les champs.
Ils répondirent de la sorte :
Mère, nous craignons... - Quoi ? - De vilains meurtriers
Que l'on nomme arbalétriers.
- Pour prendre la visée, il faut que l'on s'apprête ;
Vous verrez lever l'arbalète,
Et vous fuirez ; ne craignez rien.
- Oh ! pour cela, nous le ferons très bien.
Mais si, pour nous frapper, quelqu'un prend une pierre ?
- Mes amis, pour la ramasser
Vous l'apercevrez contre terre
Se baisser,
Et votre fuite est encor sûre.
- Mais si, pour la ruer soudain,
Le méchant portait d'aventure
La pierre dans sa main ?...
- Bonne, j'étais de vous instruire ;
Ah ! fripons, vous en savez tant :
Plus n'est besoin de vous conduire :
Pourvoyez-vous, dit-elle en les quittant.

Livre II, fable 6




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