Les deux Hiboux et le Pierrot John Gay (1685 - 1732)

Deux hiboux compassés, affaissés côte-à-côte,
De se prôner tous deux ne se faisaient pas faute.
"Comme le goût moderne est," dit l'un, " dépravé !
Qu'est devenu le culte à la sagesse ?
Jadis les sages de la Grèce
Savaient apprécier le mérite privé.
En ces temps bienheureux, en beaux esprits fertiles ,
On savait distinguer, ceci dit entre nous,
La dignité des volatiles,
Surtout la profondeur des nôtres, vertuchoux !
Ce foyer de science, Athènes l'Erudite
Tout d'une voix vénérait le Hibou,
Conférait- elle un titre au vrai mérite ?
Notre emblême toujours en était le bijou."

"Vous parlez d'or, " dit l'autre, "et raisonnez fort juste.
Athène avait en nous la foi la plus robuste,
Elle avait su nous mettre au casque de Pallas,
Et cela c'était bien ; mais maintenant, hélas !
Nous sommes dédaignés, laissés sans importance,
Un effronté Pierrot a plus que nous de chance. "
Un Pierrot près de là logeait,
De l'un de l'autre il entendit le plaid,
Et sans perdre de temps il leur dit en colère :
"De sots propos n'ont pas de quoi déplaire,
Je vous accorde, ô solemnels Oiseaux
Que l'on vous vit jadis dans l'érudite Athènes,
De Minerve orner les chapeaux ;'
Mais pour ça fûtes-vous jamais des Démosthènes ?
Excepté le Hibou chaque oiseau sait fort bien,
En vous plaçant ainsi, ce que l'Athénien
Voulait dire à chacun, à son intelligence :
' Ne jugez pas sur l'apparence !'
Voulez-vous éviter, le mépris, le dédain,
Mettez-moi de côté votre orgueil surhumain,
De vos pensers supprimez l'arrogance,
Dans le tombeau du vide enterrez la jactance,
De la nature alors vous suivrez le chemin ;
Ici bas vous aussi serez pour une fin, 1
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Les fermiers vous loueront de faire bonne chasse
Aux Souris. . . . Et les Chats auront l'oreille basse !"

Livre I, fable 32




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