Que fais-lu donc là, rossignol,
Sur ces joncs, au milieu d'une mare fangeuse,
Toi, dont la voix mélodieuse
Suspend, pour l'écouter, l'épervier dans son vol ?
— Mon cher ami pierrot, je charme la grenouille ;
Les arts sont ici moins dupés
Qu'où règnent les oiseaux hupés
Où l'intrigant, trop souvent, nous dépouille.
Et puis, vois donc mon habit gris :
Pour parvenir, triste espérance,
Plume qui n'a qu'une nuance
Ne va pas loin dans ce pays.
Sur les bords de ce marécage
Je trouve quelques vermisseaux.
J'ai chanté vainement sous nos riants berceaux
D'où la nécessité veut que je déménage.
Tout n'est pas rose où nous vivons ;
Toi, dans ta grange,
Tu vis, tu fais l'amour sans que rien te dérange ;
Mais nous, pour vivre, il faut que nous chantions
Pour l'aigle, le vautour, l'épervier et maint autre :
Pour la cour, en un mot, ou l'intrigant flatteur,
Serpent qui siffle et rampe, attire la faveur
Sous l'écaillé dorée où vit le bon apôtre :
Plus que nous il est écouté.
Les grands n'ont des oreilles
Que pour qui chante leurs merveilles,
Et de leur bec crochu la douceur, l'équité..
Le talent meurt de faim quand il n'est pas servile ;
Pas le moindre grain de millet
Que dore le soleil du beau mois de juillet ;
Pour plaire, il faut flatter ; c'est l'art le plus utile.
L'artiste ailé de se plaindre avait tort :
Libre, il pouvait partout trouver sa vie.
H a voulu, je crois, sous son allégorie,
Des artistes humains poindre le triste sort.
Ecoulant sous quelque charmille,
Il aura reconnu, disciple d'Apollon,
Un premier prix de violon
Faisant danser à la Courtille.
De là prenant son vol,
On dit que dans les airs le soir l'écho répète
La triste chansonnette
Du rossignol.