« Guerre aux châteaux, paix aux chaumières, »
Crie un barbare ; et moi, je dis :
Paix chez les grands et les petits.
Nous désunir, c'est doubler nos misères.
De ces châteaux que craignez-vous ?
Leurs oiseaux à l'humeur morose ?
Frère, laissons tout vivre, et même les hiboux.
Peut-être leur espèce est bonne à quelque chose.

D'un petit bourg les esprits forts,
Grands amis de la bande noire,
Grands bavards, n'en voulaient rien croire.
Détestaient ces oiseaux ; ne voyaient que leurs torts.
ils troublent le sommeil de nos femmes craintives,
Des créneaux ruinés et des noires ogives
Sans fin jetant sur nous de lamentables cris.
La plainte échauffant les esprits,
Vite un comité s'organise.
Appels et prospectus ; bref, contre les hiboux
A frais communs on fait une entreprise.
Tous furent dénichés jusqu'en leurs moindres trous.
Tous s'envolèrent ou périrent.
Grand triomphe chez les bourgeois.
Lorsqu'il fut satisfait, et les femmes dormirent.
Cela dura, je pense, un mois.
Mais voici bien d'autre langage.
« Mon camarade, savez-vous ?
Des rats on est mangé chez nous.
On n'en peut rien sauver, le pain ni le fromage.—
Et chez moi c'est bien pis. Qui pourrait concevoir
De ces coquins l'audace extrême ?
Dans mon lit je crains chaque soir
D'être par eux mangé moi-même.
Les chats ne font point leur devoir.
L'affaire ci-devant n'allait pas de la sorte.
Trouvons quelques hiboux pour leur prêter main-forte-
Il dit ; on repeupla la tour ;
Rats de s'enfuir dans leurs tanières,
On s'en trouva bien alentour.

Paix aux châteaux, paix aux chaumières.

Livre X, fable 7




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