Le Voleur et la Vache Jean-Jacques Porchat (1800 - 1864)

Avec mouchards et gabelous
On attrape quelques filous ;
Mais cela coûte ; aussi l'on aime
Un voleur qui se prend lui-même.
Or écoutez ; le conte est de chez nous.
C'était foire aux Ormonts-dessous,
Un Voleur, espèce vivace,
Et qui propage à tout niveau,
Faisant son tour, vit sur la place
Une Vache avec son cordeau.
Point de maitre. Il vous la détache ;
L'entraine et par vaux et par monts.
Le voilà bien loin des Ormonts,
Content, Dieu sait ! La pauvre Vache
Se croit vendue, et suit docilement,
Se rend complice innocemment.
« Adieu la crèche accoutumée,
Se dit-elle en chemin, Ab ! si l'on m'ett aimée,
M'est-on livrée à ce butor ?
Sa main tire la corde à me rompre la tête.
Mais pourquoi cette presse, et ces détours encor ?...
Fuir les chemins battus ne semble guère honnête.
Jamais bêtes ni gens ne passèrent ici.
D'où vient qu'a chaque pas il se retourne aussi ?
N'est-ce point un voleur ? Il en a l'encolure. »
A part soi faisant ces discours,
La prisonnière allait toujours.
Un torrent se présente, heureuse conjoncture,
Le pèlerin, pour ne les mouiller pas,
Incontinent met chausses bas.
Il en couronne sa conquête ;
Puis comme à passer il s'apprête,
Tirant la corde, essayant d'enjamber,
L'animal se régime, et vous le fait tomber
Au plus profond. Adieu génisse.
Elle a trouvé l'instant propice,
Et, fuyant au galop, elle échappe au félon,
Nantie encor du pantalon.
Son maitre la cherchait ; elle, @'un pas agile,
Court à sa voix, beugle à son tour,
Se rend à lui, souple et docile,
Léchant ses mains avec amour.
« Te voilà donc, ma belle ! Et des nippes encore ! y
Et dans le gousset trente écus !
D'où me vient ceci ? Je l'ignore ;
Mais je sais que Babi ne me quittera plus. »

Livre X, fable 11




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