Le Coq et le Voleur Théodore Lorin (19è siècle)

Un effronté voleur pillant une maison
Dans laquelle il croyait trouver tout à foison,
N'y rencontra qu'un coq de chétive apparence :
Faute de mieux, il s'en saisit.
Quand il se vit en sa puissance,
Le coq, on le sent bien, resta tout interdit.
« De grâce, épargnez-moi ; je suis vraiment utile,
Cria l'oiseau tremblant : encore ce matin,
Mon maître, réveillé par mon chant argentin,
S'est empressé de mener à la ville
Sa volaille, ses œufs, ses légumes, son huile,
Bref, tous les fruits de son labeur.
Sans mon active vigilance,
De gains certains il eût perdu la chance. »
« Et tu crois, reprit le voleur,
Par cet argument pitoyable
Te concilier ma faveur.!
En l'éveillant ainsi, maudit avertisseur,
Tu me causas un tort notable.
Sans toi, j'aurais trouvé céans
Tout ce qu'il emporta : puis par tes aigres chants
Tu nous trahis souvent. Péris donc, misérable !
Et par ta mort du moins apprends
Cette maxime incontestable,
Qu'en servant les honnêtes gens
On risque de nuire aux méchants,
Et d'attirer sur soi leur haine redoutable. »

Le voleur disait vrai ; mais un homme de cœur,
N'écoutant que sa conscience,
Des méchants brave la puissance,
Et quand le devoir parle, affronte leur fureur.

Livre V, Fable 17




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