Le Coq fanfaron Théodore Lorin (19è siècle)

Chez les bêtes, comme chez nous,
On trouve des gascons. Orgueilleux et jaloux,
Un coq qui de sa prouesse
Incessamment se vantait,
Attaqua rudement un timide cochet.
Celui-ci, malgré sa jeunesse,
Se défendit avec vigueur,
Et plein d'une guerrière ardeur,
D'une vigoureuse manière
Il étrilla son superbe adversaire.
« Ma foi ! dit notre fanfaron,
Je conviendrai que ce luron
A, quoique faible encor, montré quelque courage.
J'eus, par bonheur pour lui, pitié de son jeune âge :
Car le vrai brave est toujours indulgent.
De ma noble conduite il a pris avantage :
A coup sûr, sans cela, le petit imprudent
Aurait de son audace été mauvais marchand. »
Il dit, et rajustant ses plumes arrachées,
Se retire en un coin. Mais toujours querelleur,
Il ose, n'écoutant que sa farouche humeur,
Provoquer un vieux coq qui, surchargé d'années,
Par plus d'un exploit éclatant
Avait signalé sa vaillance :
Il n'obtint pas meilleure chance.
Alors du combat s'éloignant,
La crête déchirée et le corps tout sanglant,
« J'aurais bien pu, dit-il, le frotter d'importance ;
Mais je l'ai ménagé : le pauvret est si vieux
Que le combattre à toute outrance
Eût été d'un monstre odieux. »

Il fait bon, comme on dit, battre le glorieux.

Livre X, Fable 12




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