L'Âne et l'Abeille Théodore Lorin (19è siècle)

Un baudet, à l'épaisse et massive tournure,
Près d'une ruche s'approcha :
Par terre y trouvant d'aventure
Un peu de miel, il le lécha.
Notre animal à longue oreille
N'avait jamais goùté nourriture pareille :
Il la jugea fade en comparaison
De l'âpre et roqueleux chardon.
De butin chargée, une abeille
En bourdonnant à la ruche rentrait :
Elle aperçoit le stupide baudet.
Le piquant de son dard : « Éloigne-toi, profane,
Lui dit-elle en fureur ; notre miel n'est pas fait
Pour le palais grossier d'un âne. »

Sur plus d'un bipède ignorant
On peut porter le même jugement.
Ces beaux messieurs n'ont point d'oreille
Pour l'esprit et le vrai talent ;
Mais ce n'est pas pour eux que travaille l'abeille.

Livre X, Fable 11




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