Ayder l'ung a l'aultre
Charité ne quiert point le sien,
Mais tant seulement luy suffit
De faire A aultruy quelque bien,
Tant peu luy chault de son prouffit.
Ung villageois menoit en une foire
L'Asne basté de son fés trop charge,
Et ung Cheval plein d'orgueil et de gloire,
Lequel estoit de tout pois deschargé.
L'Asne, trop las de sa charge pesante,
Prie au Cheval que secours luy presente,
Ou qu'il fauldra que soubz le fardeau meure ;
Mais le Cheval ayde et secours luy nie.
L'Asne mourant soubz la charge demeure
Faulte d'avoir meilleure compaignie.
Le villageois, voyant l'Asne abbatu,
Prend le fardeau, le mect sur le Cheval ;
Ayec cela il fut ircsbien batu
Et a bon droict il receu : double mal.
« Helas ! (dict-il) moy, pauvre miserable,
Qui n'ay esté a l'Asne secourable,
Le mal que jay je l'ay bien merité. »
Quiconques veuli à aultre avoir recours,
Quand il le void en la necessité,.
Du bon du cueur luy doit donner secours.
Titre original : De l'Asne et du Cheval