Le Chacal et le Lion Théodore Lorin (19è siècle)

Au redoutable et courageux lion
Un chacal servait d'espion :
Son instinct naturel, le mettant sur la voie,
Aidait le fier monarque à découvrir la proie
Que souvent il aurait poursuivie au hasard.
En retour, du butin qu'au moyen de son art
Le chacal dépistait, son maître débonnaire
Daignait lui donner une part,
Part, toutefois, telle que d'ordinaire
A ses associés le lion sait la faire.
L'ambitieux chacal finit par se lasser
De ne jouer ainsi qu'un rôle secondaire,
Et pour son propre compte un jour voulut chasser.
Un troupeau passait, il avise
Un mouton gros et gras. De ce riche butin,
Qui lui semblait fort à sa guise,
Il voulut s'emparer ; un vigoureux mâtin
Sur lui s'élance avec colère
Et l'étrangle tout net. « Ah ! dit le pauvre hère,
Je ne le sens que trop et ne puis le nier :
Tel brille au second rang qui s'éclipse au premier. »