Un coq, ravi par des voleurs
Dans la cour d'une métairie,
Espérant les toucher et conserver sa vie,
De ses utiles soins, pour les agriculteurs,
Crut devoir leur donner la longue litanie :
Avant que le soleil ait doré les coteaux
J'annonce, leur dit-il, l'heure du labourage ;
C'est mon chant qui, partout, ranime le courage,
Et qui conduit gaîment aux rustiques travaux.
A ce pompeux discours, les voleurs répondirent :
Mais c'est tout justement ce cas
Qui te rend, à nos yeux, très-digne du trépas ;
Seul tu brises le but où tous nos vœux aspirent.
Sans ces chants bruyans et joyeux
Que tu nous fais ouïr longtemps avant l'aurore,
Nous pourrions aisément, par des larcins nombreux,
Tirer meilleur parti de nos talents encore.
Sur ce, le plus méchant d'entr'eux,
Pour terminer ce bavardage,
Tordit, de son bras vigoureux,
Le cou du chantre de village.
On ne peut point en même temps,
Servir les gens de bien, et servir les méchants.