Une mouche mouche un jour voltigeait
Dans un appartement ; sans cesse bourdonnait
Tout près d'une grosse araignée,
Qui tendait ses filets au coin d'une croisée
Pour attraper les petits animaux
Qui voltigeaient sur les carreaux.
Pour son malheur, notre mouche surprise
A force de roder, enfin se trouva prise.
En vain, pour se sauver, elle fit maints efforts ;
Mais ses liens étaient trop forts,
La tenaient captive, enchaînée.
Elle sentit, la pauvre infortunée,
Que son salut dépendait
De celle qui la retenait ;
Que pour sortir, la prisonnière
Devait employer la prière.
Le 9 sort m'a mise en vos filets.
Dit-elle, hélas ! madame l'araignée ;
Me voici bien claquemurée ;
Esclave, au rang de vos sujets,
Pour vous que faut-il que je fasse ?
Dans cette affreuse extrémité,
Je ne peux rien je vous demande en grâce
De m'accorder la liberté.
Non, non, belle mouche, ma mie,
Lui répondit son ennemie ;
Je te tiens dans mes lacs, sur toi je dois venger
Le sang que tu fis couler,
Par la piqûre traîtresse,
Sur le bras de la maîtresse
Du superbe bâtiment
Où j'ai mon appartement.
Si ce n'est que cela, lui répliqua la mouche,
Quel si grand intérêt vous touche ?
Quand j'enfonce mon aiguillon
Dans son bras charmant et mignon,
Ce n'est qu'au péril de ma vie :
De ce plaisir la mort serait suivie,
Si, toujours prête à m'esquiver,
Mes ailes ne m'aidaient bien vite à me sauver ;
Mais le besoin forçant la fugitive,
Je reviens au danger : il faut bien que je vive.
C'est parfaitement raisonner,
Dit à son tour l'araignée
Et je ne puis être blâmée :
Vous venez de prononcer
Votre mort, ma chère captive :
Je dirai comme vous, il faut bien que je vive.
Le méchant n'a jamais tort.
C'est la raison du plus fort.