Un soir, au clair de la lune,
Un rat, sorti de son manoir,
Se promenait dans l'espoir
De quelque bonne fortune ;
Il était encore à jeun ;
Son appétit très-importun.
Tandis qu'il cherche, et qu'il craint malencontre,
Il entend quelque bruit, et soudain il rencontre
Une souris, que le besoin pressant
Avait chassé de son appartement.
Après les compliments d'usage,
(La politesse est le partage
De tous les gens bien appris,
Même des rats et des souris,
Le premier dit : soyez la bien venue ;
Craignez-vous pas notre ennemi le chat ?
N'a-t-il point frappé votre vue ?
Non pas encor mon cher le rat
Répondit la souris : s'il vient par aventure,
Tandis que vous et moi cherchons la nourriture ?
- En ce cas, prenez garde à vous :
Pour moi, je crains peu son courroux ;
Je suis grand, vous êtes chétive :
Pendant qu'il croquera madame toute vive,
Très-lestement, sans me faire prier,
D'un saut je quitte le grenier.
- Grand-merci de la préférence ;
J'espère qu'il n'en sera rien,
Et j'admire votre vaillance.
Durant ce bel entretien,
Le chat ayant flairé son gibier ordinaire,
Dit tout-bas, voici mon affaire.
Notre souris, qui craignait le danger
Fit sagement de ne pas s'engager
Loin du logis, dont l'ouverture
Petite, suffisait à sa mince tournure.
Sitôt qu'elle vit l'ennemi
Qui venait en catimini,
Elle rentra bien vite
En son gîte.
Le pauvre rat, surpris
Dans sa retraite,
Voulut entrer chez la souris ;
Mais la porte était trop étroite :
Le chat profite du moment,
Le saisit, l'étrangle à l'instant.
Pour assurer votre existence,
Et pour éviter le malheur,
Défiez-vous de force et de grandeur,
Comptez plutôt sur la prudence.